Comment apprendre l'arabe ?

On ne doit pas confondre arabe littéral(qui s’écrit d’après une norme précise) et arabe dialectal (oral, peu écrit et très varié), ni arabe moderne, dont l’évolution depuis le XIXème siècle est très sensible, exposé parfois ici ou là à des influences extérieures, et arabe classique ou médiéval, lui-même d’une grande variété selon les époques et les régions, ni arabe courant (presse, médias, livres) et arabe littéraire (style recherché, soutenu). 

Les termes “
coranique” ou “standard” pour qualifier la langue n’ont pas beaucoup de sens ou sont souvent mal employés. S’il faut un terme pour caractériser l’arabe qui s’impose à l’initiation, ce serait l’ “arabe commun“. En effet, face à la variété de l’arabe dialectal, l’arabe écrit ou arabe littéral (journaux, livres), assez largement oralisé dans les médias, est un arabe commun, avec parfois de petites nuances, propres à chaque pays, assez faciles à repérer.

Aspirer à maîtriser tous les registres de l’arabe est synonyme de projet de longue haleine, de longues années, peut-être interminable, même pour les natifs. Ce n’est pas le cas s’il s’agit de se familiariser avec un dialecte (un séjour d’un an dans le pays choisi suffirait pour avancer considérablement). Globalement, l’arabe littéral d’aujourd’hui est plus rapide à acquérir que l’arabe classique ou ancien, et de plus, il est fortement recommandé de commencer avec l’arabe moderne avant d’aller vers des sources plus anciennes.

Par ailleurs, pour un francophone, il est plus facile de transférer ses connaissances de l’arabe littéral vers un dialecte. Le contraire est bien plus difficile.

Se fixer un objectif est essentiel pour ne pas gaspiller ses chances et sa motivation.

Deux choses sont à éviter à tout prix :

1. l’utilisation de la transcription phonétique, parce qu’elle ralentirait l’acquisition de la graphie arabe, indispensable pour avancer ; c’est à éviter même au début et même ponctuellement, aussi bien pour le littéral que pour le dialectal (s’habituer à lire l’arabe ainsi “al-lugha al-c arabiyya” est une aberration pédagogique, hélas assez répandue en France).

2. l’utilisation des voyelles brèves, parce qu’elle crée des habitudes décalées de l’usage et perturbe la lecture naturelle (Par exemple : اللغة العربية au lieu de :  اللُغَة العَرَبِيَة)

Dans les deux cas, il s’agit d’un danger réel qui conduit inéluctablement à la stérilisation de l’apprentissage. Malheureusement, il s’agit là d’habitudes tolérées par laxisme ou par incompétence.
Au contraire, il faut faire confiance à sa mémoire auditive, la cultiver par un entraînement quotidien, comme pour toute autre langue. Il faut se familiariser progressivement et d’une manière intensive avec l’alphabet arabe, en multipliant les exercices de lecture et d’écriture (dictée, auto-dictée, lecture avec écoute…) jusqu’à la disparition de toute confusion entre les caractères.
Les fautes d’orthographe n’ont aucune raison d’exister en arabe. Les voyelles brèves ne sont d’aucune utilité au début. Elle peuvent servir quand il s’agira de travailler sur des poèmes classiques, par exemple, ou sur des textes sacrés que l’usage a toujours vocalisés.
Aucun journal arabe d’aujourd’hui, ni site sur l’Internet, ni aucun livre (à part de très rares exceptions, comme certains ouvrages religieux) ne se présente avec des textes vocalisés.

Apprendre seul, en classe, avec quelle méthode, à quel âge… ?

Il n’y a pas d’âge pour apprendre une langue. Les adultes peuvent même aller parfois plus vite que les enfants grâce à leur capacité d’observation, de comparaison avec leur langue maternelle ou avec les autres langues étrangères qu’ils connaissent.
Apprendre seul est risqué. Peu de méthodes sont vraiment conçues pour une utilisation autonome.
Une démarche solitaire est souvent synonyme de mauvaises habitudes, difficiles à corriger par la suite, et surtout d’une lassitude qui pointe à l’horizon.
Il vaut mieux intégrer un groupe, même dans de mauvaises conditions, pour bénéficier de la proximité d’un enseignant.
Les méthodes d’arabe pour francophones sont nombreuses. Aucune, ou presque, n’est mauvaise. Aucune n’est parfaite.
Tout dépend de l’utilisation que l’on en fait. Le meilleur utilisateur d’une méthode, comme enseignant, est son auteur.
De plus, chaque étudiant, chaque groupe peut avoir des besoins et des atouts différents.
Il sera toujours nécessaire d’adapter les outils selon le déroulement de la formation. Ces principes ont inspiré notre manuel en ligne : Les bases de l’arabe en 50 semaines.

Comment le dire en dialectal

Préambule

Au vu du nombre incalculable d’ouvrages, d’études, d’articles, de thèses… en dialectologie arabe, on pourrait penser que tout est déjà dit ou fait. Pourtant, la question revient régulièrement de la part des étudiants qui découvrent l’arabe en initiation : comment passer du littéral au dialectal ? Quelles différences y a-t-il entre les dialectes arabes ? Bref, comment dire ceci ou cela en arabe dialectal ? Et surtout, quel ouvrage nous conseillez-vous pour découvrir les dialectes ?

Que répondre ? N’étant pas linguiste ni dialectologue, j’avoue ne pas connaître l’ouvrage miracle qui ouvre grand, à lui tout seul, les portes des dialectes. En revanche, je suis convaincu que l’empirisme et la collégialité peuvent apporter une réponse à ces questions, qu’il faudra mettre à jour avec les moyens du bord, mais régulièrement. D’où cette annexe / page en ligne qui se veut pratique et utile. Elle appartient à ses usagers qui peuvent faire connaître leurs observations en vue de davantage d’efficacité. Les chansons sont là pour apporter un parfum sonore. Chacune, par un détail, se rapproche des énoncés ou des éléments de chaque planche.

Attention : pour tirer profit de cette page, il faut travailler un peu. Il faut écouter, lire, observer et relever les détails pertinents ou utiles. Plus de soixante planches sont en préparation. Elles se révéleront progressivement. De même, d’autres dialectes viendront, espérons-le, s’ajouter à ce qui existe. Visiter de temps à autre cette page pourrait donc vous apporter d’autres éclairages sur l’arabe, une langue très riche, variée, et bien vivante. Une langue qu’on aimerait voir mieux diffusée dans nos établissements scolaires en France et qui, dans le contexte actuel du brassage des cultures, faciliterait bien des échanges et des comportements dans le partage et le respect de l’autre.

Quelques précisions méthodologiques

Une précision pratique : cette page se compose de deux parties :

  1. Une suite de planches ayant comme fond d’écran la carte du monde arabe, avec des indications en arabe littéral, en haut à droite, et sur la carte l’équivalent dialectal dans telle ou telle ville ou capitale. Il suffit de cliquer sur chaque texte pour en entendre l’enregistrement.

  2. L’annexe n° 11 du tome I du Manuel d’arabe en ligne – version 4.3 pour apprentissage en autonomie. Dans ce document, les termes sont donnés en alphabet arabe, y compris quand il s’agit de l’arabe dialectal. Etant donné que l’idée est d’aider à déchiffrer sur place, c’est à dire en présence d’un dialectophone, aucun enregistrement ne sera pertinent ici. La prononciation peut varier d’une région à une autre, d’une ville à une autre. C’est donc, une fois sur place que les indications de ce document deviendront sonores.

Pour le chapitre consacré à l’arabe maghrébin, il est impossible de couvrir la richesse de ses dialectes. Ce sont donc quelques exemples courants qui sont donnés, en vrac. Une fois sur place, l’étudiant saura identifier ce qui d’usage local. La présentation place les synonymes d’Est (droite) en Ouest (gauche).

  • L’ordre des planches ne suit pas un plan rigoureux ; chaque utilisateur pourra parcourir l’ensemble à la recherche du point qui l’intéresse ; parfois, en regardant la négation, on tombe sur le relatif ; ce dernier peut être l’occasion de revoir les pronoms personnels qui, eux, disposent d’une planche à part, certes, mais se manifestent un peu partout.

  • Quand un étudiant se trouve intéressé par un dialecte précis, il devrait s’organiser, à l’aide d’un répertoire, pour bien caractériser le dialecte visé. Il pourrait relever les traits suivants : pronoms personnels, démonstratifs, conjugaison, négation, pronoms relatifs, pronoms interrogatifs, prépositions, etc. Il devrait également bien observer l’utilisation de l’article défini, les constructions préposition-pronom, les nuances marquant la conjugaison (marque du futur, préfixes et préverbes…). Et quand le tour de la grammaire est fait, il faudrait constituer un répertoire lexical spécifique, sachant que certains termes arabes changent de sens d’une région à une autre. Cela est particulièrement sensible dans le champ lexical de l’alimentation. Aucun dictionnaire de l’arabe littéral ne sera utile dans ce cas. L’expérience personnelle doit être la voie à suivre. Et cette page pourrait en faire partie.

  • Les documents sonores accessibles dans la première partie de cette page ne sont pas forcément «standards», pour peu que ce mot puisse avoir un sens ici. C’est tout simplement ce qu’un locuteur originaire d’une région donnée nous a proposé comme équivalent local des énoncés choisis. Cela n’enlève absolument rien à l’authenticité de la prononciation. Mais il sera toujours possible de rencontrer un autre locuteur de la même région, voire de la même ville, ou du même quartier, qui proposerait une autre prononciation ou formulation. Un dialecte donné, surtout dans les grandes villes, peut évoluer avec le temps, peut changer d’une communauté à une autre, peut être une synthèse à la suite d’un contact massif avec un autre dialecte ou une autre langue, comme dans les quartiers accueillant les migrants issus d’une population rurale. Par exemple, le dialecte de Bagdad que l’on peut entendre ici correspond à celui parlé par les jeunes du centre de la capitale irakienne dans les années 60 ou 70. Il est différent de celui d’al-Kâdhimiyya (ouest) ou de Sadr-City (nord), par exemple. Le même propos pourrait s’appliquer à d’autres grandes villes arabes. Ainsi, une observation sur le terrain s’impose.

Découvrir les dialectes, une fois les bases de l’arabe littéral acquises, est une démarche prometteuse pour un échange oral, spontané avec les Arabes, et éventuellement l’occasion de connaître une production littéraire séduisante à travers les chansons, notamment.